Qu’est-ce que la prosopagnosie ?

La prosopagnosie est un trouble neurologique qui empêche de reconnaître les visages. Courant, il touche entre 2 % et 3 % de la population1.

Pourtant, il est peu connu, car les personnes concernées en ignorent l’existence, ou préfèrent n’en parler que dans leur cercle proche.

Les personnes prosopagnosiques voient les visages, reconnaissent les émotions, mais ne parviennent pas à lier ces informations à une identité. En clair, le visage est perçu… mais il ne « dit rien ».

Pour compenser, le cerveau des personnes prosopagnosique met en place des stratégies de contournement : se souvenir des voix, mémoriser les coupes de cheveux, la démarche, la silhouette, les bijoux…

Ces éléments permettent alors d’identifier les personnes sans utiliser le visage.

Mais ces stratégies ont leurs limites. Il devient plus difficile de reconnaître quelqu’un :

  • quand la relation est récente,

  • quand la personne se trouve dans un contexte inhabituel (nouvel endroit, nouvelle tenue),

  • ou dans des environnements où les repères sont brouillés : uniformes, soirées déguisées, événements festifs.

Il peut aussi être compliqué de suivre certaines séries ou films, surtout lorsque les personnages ont des coiffures similaires ou changent fréquemment de look.

La prosopagnosie n’est pas une maladie, mais une manière différente de reconnaître les gens. Elle peut être vécue comme un handicap invisible, ou comme une singularité à apprivoiser.

Ce trouble ne se soigne pas 2, mais le comprendre permet d’adopter des stratégies efficaces pour mieux s’orienter dans les relations sociales et reconnaître les autres autrement.

Histoire et étymologie

Un trouble ancien, un nom récent

La prosopagnosie n’est pas un trouble nouveau. Des témoignages de personnes incapables de reconnaître les visages existent depuis l’Antiquité — bien avant que la science ne sache l’expliquer.

Mais c’est en 1947 que le neurologue allemand Joachim Bodamer donne un nom à ce trouble. Il décrit alors le cas d’un patient devenu incapable de reconnaître les visages, y compris ceux de ses proches, à la suite d’une lésion cérébrale. Il parle pour la première fois de “prosopagnosie”, du grec prosôpon (visage) et agnôsia (absence de connaissance).

Il faudra ensuite attendre la fin du XXe siècle, avec les progrès en neuroimagerie, pour que la prosopagnosie soit vraiment étudiée en détail. On découvre alors qu’il existe aussi des formes congénitales (présentes dès la naissance), sans lésion apparente, et que le trouble est beaucoup plus fréquent qu’on ne le pensait.

Aujourd’hui la recherche avance, et les témoignages se multiplient.

Tu croises quelqu’un...

et là, écran bleu : impossible de savoir qui c’est.

Pas de panique, on a la solution haute technologie de 1985 : Un petit pin’s stylé qui dit au monde.

“Si je ne te reconnais pas,
c’est pas toi… c’est mon cerveau.”

Des personnalités publiques témoignent

Quand des artistes, des scientifiques ou des figures médiatiques disent publiquement être prosopagnosiques, cela nous aide on se sent plus légitime et crédible pour l’expliquer a nos proches.

Jane Goodall, primatologue
C’est humiliant, parce que la plupart des gens pensent que j’invente un truc élaboré pour m’excuser de ne pas les reconnaître parce que je ne m’intéresse pas à eux J’ai énormément de mal avec les visages … je dois chercher un grain de beauté ou un...
Jane Goodall
Primatologue, éthologue et anthropologue
C’est humiliant, parce que la plupart des gens pensent que j’invente un truc élaboré pour m’excuser de ne pas les reconnaître parce que je ne m’intéresse pas à eux J’ai énormément de mal avec les visages… je dois chercher un grain de beauté ou un détail
Jane Goodall, primatologue
Jane Goodall
Primatologue, éthologue et anthropologue
Steve Wozniak, informaticien
Je ne peux pas créer de souvenirs des visages. Si je te revois demain, je ne saurai pas que je t’ai déjà vu, à moins que tu aies une coiffure étrange, des vêtements particuliers, ou une voix que je peux reconnaître. Beaucoup de gens ont ça, mais on ne le sait pas, car cela ne se remarque que si ça devient vraiment visible
Steve Wozniak
cofondateur d’Apple
Je ne peux pas créer de souvenirs des visages. Si je te revois demain, je ne saurai pas que je t’ai déjà vu, à moins que tu aies une coiffure étrange, des vêtements particuliers, ou une voix que je peux reconnaître. Beaucoup de gens ont ça, mais on ne le sait pas, car cela ne se remarque que si ça devient vraiment visible.
Steve Wozniak, informaticien
Steve Wozniak
cofondateur d’Apple
Oliver Sacks, neurologue

Mon problème ne concerne pas seulement mes proches, mais aussi moi-même … Il m’est arrivé de m’excuser après avoir failli bousculer un grand homme barbu, pour réaliser que ce grand homme barbu, c’était moi, dans le miroir...

Oliver Sacks
neurologue, écrivain et humaniste britannique

Mon problème ne concerne pas seulement mes proches, mais aussi moi-même… Il m’est arrivé de m’excuser après avoir failli bousculer un grand homme barbu, pour réaliser que ce grand homme barbu, c’était moi, dans le miroir.

Oliver Sacks, neurologue
Oliver Sacks
neurologue, écrivain et humaniste britannique
Brad Pitt, acteur
Beaucoup de gens me détestent parce qu’ils pensent que je leur manque de respect. Mais je ne reconnais simplement pas leur visage
Brad Pitt
Acteur
Beaucoup de gens me détestent parce qu’ils pensent que je leur manque de respect. Mais je ne reconnais simplement pas leur visage.
Brad Pitt, acteur
Brad Pitt
Acteur
Aude Gogny-Goubert, actrice et humoriste
Quand je recroise quelqu’un que j’ai déjà vu quinze fois, mais qu’il a changé de lunettes et ne me dit pas tout de suite son nom, il y a toujours un moment de flottement … un petit malaise, un malentendu
Aude Gogny-Goubert
actrice et humoriste
Quand je recroise quelqu’un que j’ai déjà vu quinze fois, mais qu’il a changé de lunettes et ne me dit pas tout de suite son nom, il y a toujours un moment de flottement… un petit malaise, un malentendu.
Aude Gogny-Goubert, actrice et humoriste
Aude Gogny-Goubert
actrice et humoriste
Élodie Poux, humoriste
Je suis prosopagnosique, c’est-à-dire que je ne reconnais pas les visages. Mais je me souviens des gens … sans savoir à qui ressemblent leur visage...
Élodie Poux
humoriste
Je suis prosopagnosique, c’est-à-dire que je ne reconnais pas les visages. Mais je me souviens des gens… sans savoir à qui ressemblent leur visage.
Élodie Poux, humoriste
Élodie Poux
humoriste
Éric Naulleau, essayiste et chroniqueur
Je suis prosopagnosique. Ce n’est pas un manque d’attention ou de mémoire, c’est que je ne peux pas me souvenir de votre visage
Éric Naulleau
Essayiste et chroniqueur
Je suis prosopagnosique. Ce n’est pas un manque d’attention ou de mémoire, c’est que je ne peux pas me souvenir de votre visage.
Éric Naulleau, essayiste et chroniqueur
Éric Naulleau
Essayiste et chroniqueur
Chuck Close, peintre
Je pense que j’ai été poussé à peindre des portraits pour fixer les images de mes amis et de ma famille dans ma mémoire. J’ai une cécité des visages, et une fois qu’un visage est aplati, je peux mieux m’en souvenir. Je ne me souviens jamais d’un visage, mais je peux le peindre détail par détail, pour le retenir autrement
Chuck Close
Peintre
Je pense que j’ai été poussé à peindre des portraits pour fixer les images de mes amis et de ma famille dans ma mémoire. J’ai une cécité des visages, et une fois qu’un visage est aplati, je peux mieux m’en souvenir. Je ne me souviens jamais d’un visage, mais je peux le peindre détail par détail, pour le retenir autrement.
Chuck Close, peintre
Chuck Close
Peintre
Stephen Fry, acteur, écrivain
Toute ma vie, j’ai été légèrement tourmenté par le fait que j’ai une capacité assez épouvantable à me souvenir des visages. J'ignore les gens que je connais pourtant bien dans la rue, car je je ne les reconnais pas, ce qui doit souvent être blessant
Stephen Fry
Acteur, écrivain
Toute ma vie, j’ai été légèrement tourmenté par le fait que j’ai une capacité assez épouvantable à me souvenir des visages. J'ignore les gens que je connais pourtant bien dans la rue, car je je ne les reconnais pas, ce qui doit souvent être blessant.
Stephen Fry, acteur, écrivain
Stephen Fry
Acteur, écrivain
Philippe Vandel, journaliste
Ce n’est pas que je vous ignore. C’est juste que votre visage est un mystère à chaque fois. Je compare ça au fait d’être diabétique. C’est-à-dire que les diabétiques ne meurent pas, mais il faut tout le temps qu’ils pensent à l’insuline. Moi, il faut tout le temps que je pense à qui est là, qui va venir
Philippe Vandel,
journaliste
Ce n’est pas que je vous ignore. C’est juste que votre visage est un mystère à chaque fois. Je compare ça au fait d’être diabétique. C’est-à-dire que les diabétiques ne meurent pas, mais il faut tout le temps qu’ils pensent à l’insuline. Moi, il faut tout le temps que je pense à qui est là, qui va venir.
Philippe Vandel, journaliste
Philippe Vandel,
journaliste

Billets d’humeurs

Oct 29 2025

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Contre-vérités, approximations… la prosopagnosie selon le “leader” de l’hospitalisation privée.

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Pourquoi suis-je prosopagnosique ?

Une zone hyper spécialisée… et parfois surdouée

La FFA est l’une des zones les plus spécialisées du cerveau humain.

Certaines personnes possèdent une FFA particulièrement performante : on les appelle des super-facereaders ou super-recognizers (ou super-physionomistes en français).

Ces individus reconnaissent des centaines voire des milliers de visages, même après une brève rencontre, et sont parfois recrutés dans des domaines comme :

  • la police ou la sécurité,

  • la douane ou les services de renseignement,

  • les RH ou la psychologie sociale.

La prosopagnosie est liée à un dysfonctionnement dans une zone très spécifique du cerveau, située dans le lobe temporal : la circonvolution fusiforme, aussi appelée gyrus fusiforme.

À l’intérieur de cette région se trouve une petite aire très spécialisée, que les neuroscientifiques appellent la Fusiform Face Area (FFA) 3 — littéralement, la “zone des visages”. C’est le centre de traitement des visages humains. Elle joue un rôle fondamental dans notre capacité à reconnaître les gens à partir de leur visage.

Une mini-équipe de neurones pour cartographier les visages

La FFA est composée d’un petit groupe de neurones extrêmement spécialisés — on parle parfois d’environ 120 neurones-clés, même si ce chiffre peut varier selon les études.

Ces neurones créent une “maquette fil de fer” du visage : ils analysent les proportions entre les yeux, le nez, la bouche, les distances, les angles, la symétrie… afin de construire une représentation stable de chaque visage.

Cette cartographie permet au cerveau :

  • de reconnaître un visage même si on le voit sous un autre angle (profil, contre-plongée, etc.),

  • même si la distance change (de loin ou de près),

  • et même si la personne a vieilli (car les proportions fondamentales changent peu avec l’âge).

Chez les personnes prosopagnosiques, la FFA fonctionne mal, ou n’est pas activée.

Depuis quand suis-je prosopagnosique ?

La prosopagnosie peut apparaître à la suite d’une lésion cérébrale (après un AVC, un traumatisme crânien…) ou dans le cadre d’une maladie neurodégénérative, mais ces formes restent relativement rares.

Le plus souvent, elle est présente dès la naissance : on parle alors de prosopagnosie développementale.

Beaucoup de personnes ne découvrent leur trouble qu’à l’âge adulte, car elles ont appris à compenser sans même s’en rendre compte — en s’appuyant sur la voix, la démarche, la coiffure ou les habitudes des gens.

Historiquement, le trouble a d’abord été décrit chez des soldats blessés pendant la guerre. Ce n’est que plus tard que les chercheurs ont reconnu qu’il pouvait aussi exister sans lésion, dès la naissance.

À savoir

Le professeur Bruno Rossion, spécialiste de la reconnaissance faciale, considère avec raison que ces difficultés d’ordre développemental devraient plutôt porter le nom de prosopdysgnosie — par analogie avec la dyslexie (différente de l’alexie).

Note personnelle : on a déjà mis du temps à faire entrer “prosopagnosie” dans les conversations… pas sûr qu’on ait envie de repartir à zéro avec “prosopdysgnosie”. Déjà que personne ne retient le premier mot du premier coup

Prosopagnosie développementale (ou congénitale)

Présente dès la naissance sans lésion cérébrale apparente, elle semble avoir une origine génétique et se manifeste dès l’enfance. Les individus concernés n’ont jamais eu une capacité normale à reconnaître les visages.

Prosopagnosie acquise

Elle survient après une lésion cérébrale due à un traumatisme crânien, un accident vasculaire cérébral ou des maladies neurodégénératives. Cette forme apparaît généralement soudainement chez une personne qui n’avait pas de problèmes de reconnaissance faciale auparavant.

Prosopagnosie progressive

Cette forme est liée à une maladie neurodégénérative, comme la maladie d’Alzheimer ou certaines atrophies temporales.

Ici, les réseaux neuronaux impliqués dans la reconnaissance faciale se dégradent progressivement.

Comment savoir si je suis vraiment prosopagnosique ?

Peut-être que vous n’êtes pas un·e éternel·le étourdi·e. Peut-être que vous êtes plus qu’un “mauvais physionomiste”. Peut-être que vous vous intéressez sincèrement aux autres… mais que votre cerveau ne parvient tout simplement pas à associer un visage à une identité.

Ces tests en ligne rapides peuvent offrir un premier repérage.

⚠️ Ces tests comportementaux ne sont pas des diagnostics médicaux. Ils sont moins précis que des examens électrophysiologiques, qui constitueraient de meilleurs marqueurs. Mais ils ont l’avantage d’être gratuits, accessibles, et :

  • ils aident les personnes prosopagnosiques à mettre des mots sur leur vécu,

  • et à reconnaître comme des stratégies ce qui leur semblait être de simples “astuces” (identifier une voix, une démarche, un bijou, une posture…).

Si vous êtes sûr·e d’être prosopagnosique (ou au contraire de ne pas l’être), passer ces test nous est utile afin de les étalonner afin de les rendre plus fiables.

Test de détection de la prosopagnosie

Ce test repose sur une vingtaine de questions inspirées de situations du quotidien, construites à partir de témoignages de personnes prosopagnosiques.

À la fin du test, vous obtiendrez un score que vous pourrez comparer aux résultats moyens de personnes qui se déclarent prosopagnosiques et de celles qui ne le sont pas.

  • En dessous de 32 points : il est très peu probable que vous soyez prosopagnosique
  • Au-delà de 37 points : la prosopagnosie est probable.

  • Au-delà de 45 points : elle devient quasi certaine.

  • Entre 32 et 37 points : les résultats ne permettent pas de trancher clairement.

Vous pouvez consulter les résultats comparatifs

Le test d’auto-évaluation de la prosopagnosie en 20 questions (PI20)

Le PI20 est un outil d’auto-évaluation simple, composé de 20 affirmations auxquelles vous pouvez répondre selon votre ressenti.

Un score supérieur ou égal à 65 peut indiquer une probabilité importante d’être concerné·e par la prosopagnosie développementale.4

Ce test a été créé par une équipe de chercheurs anglais afin d’évaluer la présence et l’intensité des traits liés à la prosopagnosie développementale (la difficulté à reconnaître les visages, présente depuis l’enfance).

Il s’intitule : The Twenty-item Prosopagnosia Index (PI20).5

Test de reconnaissance des visages de Cambridge

(Cambridge Face Memory Test – CFMT)

Ce test mesure la capacité à apprendre et à reconnaître des visages inconnus. Il est largement utilisé pour diagnostiquer la prosopagnosie développementale.

Le score moyen à ce test est d’environ 80 % de bonnes réponses chez les adultes.

Un score inférieur ou égal à 60 % peut indiquer une cécité des visages

Test de reconnaissance de visages célèbres

Ce test, en anglais, consiste à identifier des personnalités publiques anglo-saxonnes (acteurs, chanteurs, figures politiques, etc.), ainsi que des personnes leur ressemblant.

Il vise à évaluer la capacité à reconnaître des visages connus.

⚠️ Limites : Ce test n’est pertinent que pour les adultes ayant une bonne culture anglo-saxonne. Il peut donc être faussé si l’on ne connaît pas les célébrités présentées.

Les tests en ligne ne sont qu’un indicateur : ils ne remplacent pas un diagnostic médical.

Si leurs résultats vous interpellent, parlez-en à votre médecin : il/elle pourra vous orienter vers un·e neuropsychologue ou un·e autre professionnel·le compétent·e à même de réaliser une évaluation clinique et, si nécessaire, un diagnostic.

Diagnostiquer la prosopagnosie

Test de perception des visages de Benton

(Benton Facial Recognition Test – BFRT)

Ce test consiste à faire correspondre différents visages présentés sous des angles, des expressions ou des éclairages variés, afin de tester la capacité de perception visuelle des traits faciaux sans interférence d’autres éléments (cheveux, vêtements, voix, etc.).

Le BFRT est édité par l’éditeur spécialisé PAR, Inc. et classé « Qualification Level C », c’est-à-dire réservé aux cliniciens / neuropsychologues et autres professionnels dûment qualifiés.

Le BFRT est un test clinique payant, non disponible en libre accès : il s’achète chez des éditeurs spécialisés

IRM fonctionnelle (fMRI)

Dans certains cas rares, une IRM fonctionnelle (fMRI) peut être réalisée pour observer l’activité du cerveau, notamment dans la région fusiforme, une zone impliquée dans la reconnaissance des visages.

Ce type d’imagerie permet de voir si cette zone s’active normalement lorsque la personne regarde des visages.

Ce test est coûteux et n’est généralement proposé que dans un contexte médical spécifique, par exemple chez des personnes ayant perdu la capacité de reconnaître les visages à la suite d’un traumatisme crânien ou d’un accident vasculaire cérébral.

Qui est habilité à effectuer un diagnostique ?

Le diagnostic de la prosopagnosie doit être réalisé par des professionnels de santé qualifiés, spécialisés dans les troubles neurologiques et cognitifs. Les spécialistes habilités à effectuer les tests de reconnaissance faciale comprennent :

Neurologues : Ces médecins sont spécialisés dans les maladies du système nerveux. Ils peuvent déterminer si la prosopagnosie est due à une lésion cérébrale ou à une autre condition neurologique sous-jacente.

Neuropsychologues : Spécialisés dans l’étude des relations entre le cerveau et le comportement, les neuropsychologues sont formés pour administrer des tests neuropsychologiques spécifiques, comme le CFMT ou le BFRT. Ils évaluent les fonctions cognitives, y compris la reconnaissance faciale, et identifient les éventuels troubles.

Psychologues cliniciens : Ils peuvent contribuer au diagnostic en évaluant l’impact psychologique et social de la prosopagnosie. Bien qu’ils ne soient pas toujours spécialisés en neuropsychologie, ils peuvent effectuer certains tests et orienter vers des spécialistes si nécessaire.

Orthophonistes : Dans certains cas, notamment lorsqu’il existe d’autres troubles cognitifs associés, les orthophonistes peuvent participer à l’évaluation des capacités de reconnaissance.

Actualité de la prosopagnosie

Recherche, témoignages et initiatives, sorties de livres ou de films, initiatives de sensibilisation…

Oct 16 2025

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“Voir sans visage, rêver en haute définition” — à propos de l’interview d’Ava par Fabien Olicar

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Mémoire sélective : pourquoi certaines rencontres s’impriment, et d’autres s’effacent

Chez les personnes atteintes de prosopagnosie, la reconnaissance des visages est défaillante. L’aire fusiforme, spécialisée dans ce traitement, ne parvient pas à...
Oct 03 2025

Semaine d’information sur la santé mentale – Webconférence

Dans le cadre de la 36e édition des Semaines d’information sur la santé mentale (SISM), placée cette année sous le thème : « Pour notre santé mentale, réparons le lien...
Oct 01 2025

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Le monde vient de perdre une voix rayonnante. Jane Goodall est décédée à l’âge de 91 ans, de cause naturelle, alors qu’elle était encore en tournée de conférences....
Sep 29 2025

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Sep 28 2025

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Je ne suis pas la cible idéale de ce genre de série. My Holo Love est typiquement une romance, avec ses codes, ses rebondissements, sa douceur acidulée. Et pourtant,...
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Santé – Prosopagnosie : « Mais qui êtes-vous ? »

6 mai 2024 Santé - Prosopagnosie : « Mais qui êtes-vous ? » Le Docteur Kierzek nous parle de prosopagnosie, cette étrange maladie qui empêche de reconnaître les...
Sep 25 2025

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20 mai 2015 : La prosopagnosie : une maladie peu connue https://www.youtube.com/watch?v=p-9uXdpJxHY Contrairement à ce que l’émission laisse entendre, les personnes...

Témoignages : mettre des mots sur l’invisible

Les définitions scientifiques donnent des repères… mais ce sont les récits personnels qui révèlent la réalité du quotidien.

Ces témoignages sont parfois drôles, souvent touchants, parfois angoissants. Ils montrent comment chacun·e invente ses propres stratégies pour vivre avec la “cécité des visages”.

Plus de 90 % des personnes prosopagnosiques disent avoir découvert leur trouble en se reconnaissant dans les récits des autres.

C’est pourquoi vos témoignages sont si précieux : nous en avons déjà reçu plus d’une soixantaine, et chaque nouveau récit aide d’autres personnes à mettre des mots sur ce qu’elles vivent.

Alors, continuez à nous écrire : vos histoires comptent.

En attendant le mot officiel

Devant le café, quelqu’un me fait de grands signes. Je ralentis, sourire poli, cerveau en roue libre. Puis j’entends la voix : « Alors, tu viens ? » C’est ma meilleure amie. J’explose de rire — elle sort de chez le coiffeur, frange nouvelle, visage “réinitialisé”.

On s’assoit, on commande. Elle me taquine : « Franchement, c’est flagrant. » Je hoche la tête. Flagrant, oui. Mais tant que je n’ai pas de diagnostic, j’ai l’impression d’être entre deux chaises : d’un côté, la prosopagnosie qui colle à tout ce que je vis ; de l’autre, le doute qui chuchote “et si c’était juste de l’anxiété sociale ? de la distraction ?”

La vérité, c’est ce moment précis où je regarde quelqu’un et que rien ne s’allume. Alors je lance mes filets : je laisse parler (la voix me sert de boussole), je cherche un indice (démarche, bague, façon de rire). Quand ça marche, tout se recolle d’un coup ; quand ça rate, je bricole un « On s’est vus où déjà ? » pour ne pas froisser. Et parfois, comme aujourd’hui, on en rit ensemble, parce que l’absurde désamorce la gêne.

En rentrant, je me promets deux choses. D’abord, poser un mot officiel si j’en ai besoin — pour faire taire le doute administratif dans ma tête. Ensuite, continuer à nommer simplement ce que je vis :

« Je suis nulle avec les visages, n’hésite pas à me redire ton prénom. »

Le diagnostic viendra peut-être. En attendant, je me fais confiance : je ne reconnais pas toujours les visages… mais je reconnais très bien les liens. Et ça, aucune frange ne peut le masquer.

Médecin, et pourtant…

Dans mon cabinet, tout est ritualisé : j’appelle « Madame Martin », une voix répond « oui », je sors la main gel hydro, je souris. La voix suffit, le dossier s’ouvre, la consultation se déroule.

C’est hors du cabinet que tout se dérègle.

Un samedi, au marché, quelqu’un me dit « Bonjour docteur ! » avec une chaleur qui ne trompe pas. Mon cerveau, lui, patine. Je cherche un badge imaginaire, un stétho, un indice. Rien. J’offre mon meilleur « Bonjour ! Comment allez-vous ? » — assez neutre pour tenir, assez vague pour ne pas me trahir — et je file en me promettant de ne plus jamais sortir sans ma blouse (humour, mais à moitié).

J’ai longtemps classé ça dans « je ne suis pas physionomiste ». Un trait amusant, presque folklorique. Et puis, un soir, en discutant avec un ami — lui-même très direct — je décris mes acrobaties sociales : reconnaître les gens surtout à la voix, m’effondrer quand le contexte change, confondre deux patients si leurs couleurs de cheveux et leur gabarit se rapprochent, ne pas “retrouver” une personne croisée hors du cabinet. Il m’écoute, sourit, et me dit :

« Tu sais que tout ça porte un nom ? Prosopagnosie. »

Silence court, soulagement long. Tout s’aligne : ce n’était pas de l’étourderie gentille ni un manque d’intérêt — simplement un mode de reconnaissance différent. Et, ironie douce, oui : on peut être professionnel·le de santé, formé·e, attentif·ve… et découvrir tardivement ce fonctionnement — parfois chez ses patients, parfois chez soi.

Depuis, j’ai ajusté mon pratique : je réintroduis mon nom et le leur en début de consultation (« Bonjour, je suis le Dr X. Vous êtes bien Mme Y ? »), je laisse la voix m’ancrer quelques secondes, je note un repère non facial (démarche, accessoire récurrent) dans mes mémos privés, j’explique sans dramatiser : « Je suis très mauvais·e avec les visages, n’hésitez pas à me redire votre prénom. »

Étrangement, tout le monde respire mieux. Moi la première.

La prosopagnosie est discrète, tenace, et souvent invisible — au point que même des professionnel·les formé·es peuvent la découvrir tard, parfois chez eux-mêmes. La nommer n’efface pas la difficulté, mais elle désamorce la honte et ouvre la porte aux bonnes stratégies. Le reste, c’est du soin comme d’habitude : honnêteté, outils adaptés, et bienveillance.

Visages en transit, batterie à plat

J’ai un métier où je parle à beaucoup de monde. Rendez-vous, couloirs, sourires, poignées de main — c’est mon quotidien. Mais chaque interaction me coûte une attention folle : reconnaître quelqu’un, c’est comme lancer un gros logiciel sur un vieux portable. Ça rame. Après une journée dense, j’ai besoin d’un vrai sas de solitude pour me recharger.

Parfois, j’y arrive : à force de rencontres, un visage finit par “tenir”. Et puis il suffit de changer d’environnement pour tout remettre à zéro. La collègue que je reconnais sans hésiter au bureau devient une parfaite inconnue à la terrasse d’un café. Même personne, nouvelle scène, fichier introuvable.

Au cinéma, c’est pareil. Trop de personnages, éclairages différents, ellipses : je perds le fil. Je rembobine, je m’accroche à la voix, à une démarche, à un manteau. Dans la vie de tous les jours aussi, bien sûr.

Je préviens souvent : « Je ne suis pas physionomiste. » Mais au fond, j’ai l’impression que c’est plus que ça : les visages n’impriment pas. Les lieux non plus. Les itinéraires, les repères spatiaux me glissent entre les doigts ; je peux sortir d’un bâtiment et prendre systématiquement la mauvaise direction. Alors je cartographie autrement : je mémorise une voix, un geste, un sac jaune, une odeur de lessive, la marche de quelqu’un. C’est moins glamour qu’un face-à-face impeccable, mais ça tient.

Mes règles de survie : je nomme le souci quand il faut, je demande un mini-récap (“On s’est vus où déjà ?”), je propose un signal pour se retrouver, je garde des plans et des captures pour les trajets, et je m’offre sans culpabiliser mes moments de solitude.

Je ne retiens pas bien les visages ni les lieux. Pourtant, je retiens très bien les histoires et les gens. Il me faut juste d’autres chemins pour y arriver — et un peu de silence, de temps en temps, pour repartir à pleine charge.

Le voisinage en flou net

Dans ma rue, tout le monde me dit bonjour. Moi aussi. Le problème, c’est de savoir à qui je le dis.

Avec mes voisin·e·s, il me faut plusieurs interactions — ou une rencontre marquante — pour que leur visage “reste”. Ce que je retiens d’abord, ce sont des morceaux : une ride qui plisse quand iel sourit, une moustache qui frétille, la manière de porter les sacs de courses, un sourcil qui se lève avant de parler. Le visage vient avec… plus tard, comme si mon cerveau mettait l’étiquette après le descriptif.

Même hors humain, c’est pareil : je ne reconnais jamais les voitures. La mienne ? Difficile, à moins d’être tout près et qu’elle ait un détail bien distinctif. Dans un parking rempli de clones, je peux tourner longtemps avant de repérer l’autocollant sur la vitre ou la petite rayure côté pare-chocs. Tant qu’il manque le petit signe qui fait tilt, tout se ressemble.

Et pourtant, j’ai souvent l’impression “de reconnaître les visages”. En réalité, je reconnais des expressions, des postures, des indices qui reconstituent la personne — un puzzle qui se complète au fil des rencontres. Quand ces éléments se répètent, tout s’assemble et le salut devient naturel, sans hésiter. Jusqu’au prochain voisin en doudoune noire, même bonnet, même démarche… et on recommence le tri, avec le sourire.

De la ruse au franc-jeu

Avant, j’étais la reine des stratagèmes : « Salut, ça fait plaisir ! » (très vague), questions-parapluie (« On s’est vues où déjà ? »), sourire, hochement de tête… Tout pour éviter qu’on remarque que je ne reconnaissais pas la personne en face.

Désormais, je préfère poser la carte sur la table dès le début : j’ai un souci avec la reconnaissance des visages, n’hésite pas à me redire ton prénom. En deux secondes, les malentendus s’évaporent.

La preuve par une anecdote qui me fait encore rire. J’ai une vingtaine d’années, je déambule au Salon du Cheval à Paris. Un gentil jeune homme m’aborde, rayonnant :

— « Salut France, comment vas-tu ? »

Conclusion logique : on se connaît. Il enchaîne et me raconte sa vie récente avec ses chevaux pendant… cinq bonnes minutes. Pendant tout ce temps, ma voix intérieure répète : Mais qui est-ce ? Qui est-ce ? QUI EST-CE ?

La conversation se termine, je n’ai pas osé poser LA question, et — des années plus tard — je ne sais toujours pas qui c’était. Cette histoire, je l’adore pour illustrer pourquoi il vaut mieux dépasser sa crainte et dire qu’on a un souci de reconnaissance (sans forcément prononcer “prosopagnosie”, d’ailleurs).

C’est pour éviter ce genre de scène délicate que je préviens maintenant mes interlocuteur·rice·s.Au cinéma, quand il y a trop de personnages… disons que j’espère très fort qu’ils gardent les mêmes costumes, sinon je perds le fil (rires).

Voix d’abord, visage ensuite

Afterwork au bureau. Quelqu’un m’aborde : « Salut ! On s’est croisés la semaine dernière. » Mon cerveau, lui, affiche fond d’écran. Zéro visage.

Je laisse parler dix secondes — et là, tilt. La voix. Je replace tout : c’est la personne qui m’avait dit que son chat s’appelait Biscotte et qu’elle détestait la coriandre. Personne ne retient ça. Moi, si. Les trucs insignifiants dits une fois, c’est mon super-pouvoir.

C’est ça, ma boussole : je reconnais très bien les voix (au point de bluffer mon entourage) et les postures — la façon de se tenir, d’appuyer sur un pied, d’entrer dans une pièce. Le visage, lui, glisse, surtout quand je n’ai pas passé du temps de qualité avec la personne. Les relations « bonjour–au revoir » ne me laissent pas d’empreinte faciale.

Et puis, il y a l’autre phénomène, bizarre mais vrai : parfois je « l’imprime » tout de suite. Une barista vue trente secondes, sans vraie discussion… et je la reconnais chaque matin. Pourquoi elle et pas d’autres ? Aucune idée claire. Peut-être une combinaison de timbre, de gestes, d’un détail saillant (une mèche, une bague), et paf, le cerveau accroche.

Au quotidien, j’ai donc mon protocole discret : je laisse parler (voix = ancre), je cherche un indice contexte (« On s’était vus à la réunion sécurité ou au café d’en bas ? »), je me fabrique des repères (démarche, accessoire), et si je patine, je passe en franc-jeu : « Tu me redonnes ton prénom ? Je préfère vérifier que de me tromper. »

Je retiens les histoires, les voix, les détails, plus que les visages. Parfois ça me joue des tours, parfois ça me sauve la mise. Dans tous les cas, c’est mon mode d’emploi pour faire le lien.

Masqués, tout devenait plus simple

Pendant le COVID, j’étais… étonnamment plus à l’aise. Je reconnaissais bien les personnes quand nous étions masqué·es. Et je voyais toutes les autres personnes galérer. J’avais l’impression d’avoir moins de choses à analyser : plus besoin de courir après des traits qui me filent entre les doigts. Je me concentrais sur la voix, l’attitude, — et tout devenait plus simple pour moi.

En fait, tout le monde vivait avec le même “handicap” que moi, d’une certaine manière : les visages n’étaient plus vraiment disponibles. Sauf que moi, j’avais déjà l’habitude de fonctionner sans eux. Les autres découvraient les plans B (timbre de voix, façon de se tenir, gestes), alors que c’était déjà mon plan A depuis des années. Résultat : le terrain s’est nivelé et, pour une fois, je n’étais plus en décalage — c’était le monde qui venait sur mon terrain de jeu.

Même corpulence, même coupe : mon cerveau fusionne

Dans l’ascenseur du boulot, deux collègues discutent côte à côte. Même taille, même carrure, même coupe “propre du lundi”. Je les salue, je plaisante… et, au moment de repartir, j’appelle l’un par le prénom de l’autre. Sourire poli, micro-blanc, “pas grave”. Sauf que moi, dedans, c’est la goutte froide : j’ai l’impression de ne pas parvenir à mémoriser les visages.

Quand deux personnes ont une corpulence proche et des coiffures similaires, je ne fais qu’assez peu de différence. Je me demande toujours si c’est parce que je ne m’intéresse pas assez aux gens — ou si quelque chose m’échappe, indépendamment de ma volonté.

La vérité, c’est que je retiens très bien les histoires, les voix, la façon de marcher, les rires. Mais le visage, lui, glisse. Alors, pour rester en lien, je triche gentiment : je laisse parler quelques secondes (la voix me sauve), je pose une question contexte (“On s’est vu à la réunion sécurité, non ?”), je me fabrique des repères (lunettes rondes, sac jaune, montre acier).

Mon cerveau n’encode pas le visage comme une signature fiable ; il s’appuie sur des indices périphériques (voix, posture, accessoires, lieu). Quand ces indices se ressemblent entre deux personnes, je fusionne. Ce n’est ni du désintérêt ni de la froideur : c’est une autre façon (un peu cabossée) de reconnaître les gens.

Permis de confondre

Je suis enseignante de la conduite. Tous les jours, je rencontre des dizaines d’élèves… souvent de la même tranche d’âge, jean-baskets-sac à dos. Autant dire : version “copier-coller”. Résultat, reconnaître le bon élève sur le parking, c’est mon slalom quotidien.

Ma technique préférée ? J’attends que mes collègues partent chacun avec leur élève. Quand la poussière retombe, il ne reste qu’une possibilité. Facile. Sauf que, bien sûr, ce n’est pas toujours possible. Dans ces cas-là : au petit bonheur la chance. Et c’est gênant quand je me trompe, surtout si j’ai déjà eu la personne la veille. (Sourire crispé, « on révise les priorités ? » avec un élève… qui n’est pas le mien.)

Période masques ? Ironiquement, c’était mon âge d’or : en cas d’erreur, l’excuse était servie. Sans masque, je m’accroche à des signes distinctifs — bague large, lunettes rondes, sac jaune. Problème : ces repères changent aussi vite que la météo. Lundi, lunettes ; mardi, lentilles ; et me voilà à dire bonjour à la mauvaise personne, devant ma Clio.

Paradoxalement, je reconnais mieux des gens croisés souvent dans le même décor : les voisin·e·s du quartier, le fleuriste du coin. Je pense qu’il y a des degrés dans la non-reconnaissance : plus c’est répété et contexte stable, mieux ça colle. Déplacez quelqu’un de son environnement habituel — un élève croisé au supermarché, un collègue sans son gilet — et mon cerveau fait un reset. Même personne, nouvelle scène, identité envolée.

Quand je ferme les yeux, les visages s’éteignent

Si je ferme les yeux pour imaginer quelqu’un, ce n’est jamais un gros plan. Je vois un corps entier : la posture, la façon de poser les épaules, la démarche, la veste préférée, parfois même la manière de tenir une tasse. Le visage, lui, refuse de venir. Comme si mon cerveau avait coché l’option floutage TV.

Dans mes rêves, c’est encore plus net : personne n’a de traits. Les gens me parlent, rigolent, m’embrassent — mais leurs faces sont tournées, dans l’ombre, ou remplacées par une impression. Je me réveille avec la certitude d’avoir vécu un moment fort… sans pouvoir dessiner un seul regard.

Pour revoir un visage, je dois remonter le fil jusqu’à un souvenir précis. Je cherche la scène : le café à la terrasse, la discussion dans le métro, la marche sous la pluie. Puis je repère un détail déclencheur — une blague, une odeur de lessive, le bruit d’un briquet — et là, petit à petit, les éléments reviennent par morceaux : le grain de beauté à gauche, la fossette quand il rit, le front qui se plisse quand elle cherche ses mots. Jamais le visage tout seul, toujours arrimé au moment partagé.

C’est ma façon de me souvenir des gens : pas en portrait serré, mais en scène entière. Et finalement, ça me va — parce que ce qui me reste d’eux, c’est surtout comment on était ensemble.

Soigner la prosopagnosie ?

La prosopagnosie est un trouble neurologique, pas une maladie. Une maladie peut se soigner ; un trouble, lui, est souvent lié à un câblage cérébral différent. Il ne s’agit pas d’un dysfonctionnement ponctuel, mais d’une autre manière pour le cerveau de traiter certaines informations.

Il n’existe aucun traitement médicamenteux ni thérapie de rééducation qui permette d’apprendre à reconnaître les visages 6

Soyez vigilant face aux thérapies dites « alternatives » : La kinésiologie, l’hypnose, la sophrologie, l’acupuncture, l’homéopathie, la lithothérapie, le reiki, le magnétisme, l’aromathérapie, la naturopathie, la médecine énergétique, la chiropractie, l’iridologie, la phytothérapie, la chromothérapie, la radiesthésie, les thérapies quantiques, l’harmonisation des chakras n’ont jamais prouvé scientifiquement leur efficacité sur la prosopagnosie.

Ce que vous pouvez faire : Apprendre à reconnaître vos stratégies de compensation. En les conscientisant, vous pouvez les renforcer et mieux les utiliser dans votre quotidien.7

Impact sur la vie quotidienne

La prosopagnosie à souvent  un impact sur la vie sociale et professionnelle. Les personnes atteintes peuvent ressentir de l’anxiété dans les interactions sociales, craignant de ne pas reconnaître des amis, des collègues ou des membres de la famille. Cela peut entraîner un sentiment d’isolement ou de frustration.

De plus, elles sont souvent perçues comme inattentives ou désintéressées envers les autres, ou encore comme des gaffeurs qui donnent la mauvaise information à la mauvaise personne. Cette perception peut encourager un sentiment d’introversion, amenant les personnes prosopagnosiques à limiter leurs interactions sociales pour éviter les malentendus ou les situations embarrassantes.

Il est important de comprendre que ces comportements ne reflètent pas un manque d’intérêt, mais sont des conséquences directes du trouble. Une sensibilisation accrue de l’entourage peut aider à créer un environnement plus compréhensif.

Adaptation et stratégies pour compenser

Être prosopagnosique ne signifie pas être incapable de reconnaître les gens, mais ne pas utiliser le visage comme repère principal. Le cerveau s’adapte et développe d’autres compétences. Beaucoup de personnes concernées deviennent très attentives aux détails fiables qui distinguent chacun.

Voici des stratégies simples que vous pouvez mettre en place :

S’appuyer sur des indices non faciaux

Apprenez à reconnaître les personnes grâce à leur voix, leur posture, leur démarche, leurs vêtements, leurs coiffures, leurs lunettes, leurs tatouages ou tout autre élément distinctif. En se concentrant sur ces détails, il est possible d’identifier les individus sans avoir recours à la reconnaissance faciale.

    Communiquer avec l’entourage

    Informez vos amis, votre famille et vos collègues de votre trouble afin qu’ils comprennent vos difficultés. Leur soutien peut être précieux, surtout lorsqu’ils peuvent vous aider à identifier les personnes dans des environnements sociaux.

    Se préparer à l’avance

    Avant de participer à un événement, renseignez-vous sur les personnes que vous pourriez rencontrer. Obtenir la liste des invités ou consulter les profils sur les réseaux sociaux peut rendre la tâche moins difficile et vous aider à gérer les interactions sociales.

    Échanger avec d’autres personnes concernées

    Rejoindre des groupes de soutien ou des communautés en ligne dédiées à la prosopagnosie permet de partager des expériences et des conseils pratiques. Ces échanges peuvent offrir du réconfort et des stratégies supplémentaires pour mieux vivre avec le trouble.

    Ce sont justement ces stratégies de compensation qui expliquent pourquoi de nombreux prosopagnosiques n’ont pas conscience de leur trouble. Si vous êtes prosopagnosique, vous avez probablement développé vos propres astuces — que vous pouvez aussi partager ici.

    Les rendre conscientes permet de les rendre plus efficaces… et peut être de diminuer le stress.

    Transformer la différence en ressource

    La prosopagnosie n’empêche pas d’identifier les gens — elle pousse simplement à s’appuyer sur d’autres repères que le visage. Beaucoup de personnes concernées développent, avec le temps, une curiosité du détail et une mémoire des interactions qui privilégient ce qui compte dans la relation (ce qu’on a vécu/dit/fait ensemble) plutôt que des critères d’apparence. Dans les entretiens cliniques, elles décrivent un recours accru à la voix, à la démarche, aux habitudes vestimentaires, au contexte (lieu, rôle, horaires) et aux signaux non verbaux (posture, gestuelle) — autant d’indices qui deviennent des repères fiables au quotidien. 8

    Sur le plan cognitif, la recherche montre que la reconnaissance d’une personne peut passer par d’autres canaux que le visage (nom, voix, informations biographiques). Les modèles de référence soulignent cette multiplicité des voies d’accès à l’identité : on peut très bien “savoir qui est qui” en consolidant les souvenirs d’épisodes partagés et les indices contextuels, même si le visage “ne dit rien”. 9

    Enfin, certaines personnes prosopagnosiques rapportent moins s’attarder sur l’âge perçu, l’origine apparente ou d’autres traits faciaux, ce qui peut favoriser des liens centrés sur la qualité des échanges plutôt que l’apparence. Côté données, les résultats sur l’estimation de l’âge sont mitigés (pas toujours de différence nette avec les témoins), ce qui invite à rester nuancé : l’atout n’est pas une “meilleure” vision sociale, mais une autre manière d’être attentif·ve. 10

    En bref : la prosopagnosie ne “donne” pas automatiquement des capacités supérieures ; elle réoriente l’attention. Avec l’expérience, beaucoup deviennent particulièrement vigilant·es aux détails stables, à la dynamique des rencontres et aux signaux non verbaux, ce qui peut enrichir la relation malgré (et parfois grâce à) l’absence de repère facial.